Des mauvaises raisons de changer de distribution

That’s it, I’m switching to ArchLinux

Ce running-gag, pratiquement devenu un meme, qu’on peut rencontrer fréquemment sur les commentaires du site OMG! Ubuntu! est devenu depuis peu la rengaine d’un nombre important d’(ex) utilisateurs d’Ubuntu. (Il est possible de remplacer ArchLinux par autre chose comme Fedora, Debian, Gentoo, LFS, Windows 3.11 for Workgroups, etc).

Mais qu’est ce qui provoque ainsi l’exode massif de ces Ubunteros vers d’autres territoires ? Ici, il n’est point question de la politique commerciale de Canonical qui refuse de payer ses employés en amour et en eau fraiche (le seul salaire légitime d’un vrai libriste qui se respecte). Ici nous parlons d’un plugin Compiz.

Oui, un plugin Compiz, et deux ou trois bricoles supplémentaire, c’est tout.

J’imagine une réalité alternative ou ma distribution favorite aurait été installée par défaut avec le switcher du bureau sur une sphère, avec des poissons en 3D a l’intérieur et où les fenêtres s’enflamment lorsqu’on les ferme. Pris d’une rage incontrôlable, j’aurais probablement pris ma machine (une bonne grosse tour Cooler Master avec 12 baies 3″½) et l’aurais propulsée violemment par la fenêtre de mon immeuble. Puis je me serais précipité vers l’Apple Store le plus proche pour y acquérir un Mac Book Pro afin d’y installer DragonflyBSD et le tiling window manager wmii.

Dans une réalité moins alternative, j’aurais simplement ouvert CompizConfig Settings Manager et décoché les options ne me plaisant pas. C’est certes moins drôle, mais je tiens a ma tour Cooler Master, et je n’ai pas particulièrement envie d’un Mac Book Pro.

Le problème, c’est que le plugin Compiz en question s’appelle Unity, et il représente une grosse partie de l’apparence globale de la distribution Ubuntu Oneiric Ocelot, fraîchement sortie en version finale. Le simple fait de désactiver le plugin crée plus de problèmes qu’il n’en résout puisqu’on se retrouve sans rien : plus de lanceur, plus de barre des tâches, plus d’indicateurs, plus grand chose en fait.

Mais c’est facile ! Il suffit d’installer Gnome Shell !

Oui mais non. Si on donne un 14/20 à Unity pour sa stabilité, Gnome Shell n’aurait qu’un 16/20, ce qui est bien mais pas top. Les deux projets sont jeunes, se cherchent, vivent une adolescence difficile. Ils sont tous deux de bons projets, avec un bon potentiel, mais il est encore trop tôt pour les adopter. Et puis si je ne suis pas franchement gêné de la disparition des boutons minimiser et maximiser, ou que la fonction Éteindre/redémarrer soit cachée derrière une touche Alt, il n’en est pas de même avec les bureaux virtuels. Le paradigme des bureaux sur une grille a bien fonctionné jusqu’à présent et je ne souhaite pas avoir entre 1 et l’infini bureaux disposés sur une seule colonne.  Et le moniteur secondaire configuré par défaut pour ne pas avoir de bureaux virtuels ? Sérieusement Gnome ? Même l’option à aller changer dans les tréfonds de dgconf-editor ne permet pas de rendre a mon second moniteur les capacités d’un vrai bureau virtuel. (pour information, c’est /desktop/gnome/shell/windows/workspaces_only_on_primary)
Et enfin il y a mutter. Mutter le compiz pauvre, ou le metacity amélioré selon le point de vue. Mutter, ou comment des milliers de personnes ont tourné le dos a ce qui se faisait de mieux en terme de Window Manager. Non, décidément, je ne peux pas me résoudre a quitter Compiz.

A ce qu’il parait, on peut installer gnome-panel et le faire fonctionner avec compiz. Manque de bol, ça n’a jamais fonctionné chez moi. Je me retrouve toujours avec un window manager dénommé gnome-wm qui n’est rien autre qu’un metacity rebaptisé. Non merci. Peu importe car j’ai déjà une session avec compiz qui fonctionne, celle qui s’appelle « Ubuntu » et qui normalement affiche Unity. Si gnome-panel est trop attaché a son WM archaïque, on va utiliser autre chose, j’ai nommé Wingpanel ! Pour information, wingpanel est l’équivalent de gnome-panel pour le projet Elementary.

Voila, j’ai mon panel, juste histoire d’afficher l’heure et les indicators, tout ça pour ça… Maintenant j’installe docky, synapse, conky-colors, covergloobus, les icônes Faenza, le thème Orta Squared pour les bordures de fenêtres et blam, je me retrouve avec un bureau qui me plaît.

Au passage, j’installe Hotot comme client Twitter (ou Tweetdeck comme on peut le voir sur le screenshot, et *oui* je tourne en 64bit), terminator mon émulateur de terminal préféré et Clementine parce que je suis un inconditionnel de la branche 1.4 d’Amarok. Ah oui, et j’allais oublier:  je m’empresse d’aller désinstaller tous les paquets que me renvoie une recherche de « appmenu » dans synaptic pour me débarrasser de ces foutus menus globaux.

Donc on récapitule: d’une installation Ubuntu de base je n’utilise ni Unity, ni les menus globaux, ni Gwibber, ni Banshee, ni gnome-terminal, ni le thème Ambiance, ni le thème d’icônes Ubuntu. Et est ce que je vais changer de distribution pour autant ? Non.

Pour être honnête, je vais avouer qu’Ubuntu Oneiric 64bit n’est pas le seul système installé sur ma machine principale. J’ai aussi ArchLinux, une Debian Wheezy/Sid avec du pinning, OpenSuse 11.4, Fedora 15, Ubuntu Natty qui va migrer sur Precise dès que possible et Ubuntu Oneiric 32 bit qui a sans problèmes fait toutes les upgrades depuis Karmic Koala (mais c’est une 32bit, elle doit dégager). Bon, je vais être vraiment honnête, j’ai même un Windows XP. Il ne me sert a rien mais je l’ai sur ma machine. Pourquoi tous ces systèmes ? J’aime voir ce qui se fait ailleurs, je suis curieux de tester les différentes distributions qui existent et comparer leur fonctionnement avec mon système principal. Toujours est il que je reviens toujours vers la distribution que je maîtrise le mieux, celle que je préfère et qui chez moi fonctionne mieux que toutes les autres.

Parce que la distribution que j’utilise pour faire mon boulot, celle qui me permet de payer mon loyer et mes courses ne se résume pas à un plugin Compiz. C’est un cycle de développement qui me plaît, ce sont des outils de packaging puissants, c’est une communauté vivante et riche, c’est une vrai valeur ajoutée sur certains projets, c’est une plate-forme de développement incroyablement mieux conçue que tout ce qui se fait ailleurs.

Certes je suis plein d’éloges sur Ubuntu mais n’allez pas croire que je dénigre pour autant les autres distributions. Tous les systèmes que j’ai cités plus haut et que j’ai installé sur ma machine sont excellents (sauf Fedora :p) et toute personne qui se sent attiré par des aspects de cette distribution tels que la communauté, les outils de packaging, la plate-forme de développement ou le cycle de release aurait fortement raison de se diriger vers celle ci. Mais par pitié, ne changez pas de distribution à cause d’un plugin compiz, d’un window manager, d’une clé gconf ou d’un package installé ou pas installé par défaut.
A moins de vouloir être ridicule. Et bon nombre de personnes ont été pitoyablement  ridicule ces derniers mois.

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Publié par Mathieu Comandon : 31