l’esprit du logiciel libre

Je viens de croiser en une semaine 3 reflexions sur le logiciel libre qui m’ont interpellées.

La première est issue du blog de Fred Bezies intitulée C’est officiel : le logiciel libre est devenu une religion. La seconde est un post sur Diaspora* de C abernet138 qui reprend une discussion ou un passage de blog. Et la troisième est d’un billet d’Iceman.

Ces écrits concernent l’approche des uns et des autres autour le logiciel libre. Et je pense que certains semblent avoir perdu le sens des valeurs du logiciel libre.

Je ne comprends pas pourquoi on reproche à certains utilisateurs de suivre précisement les règles du logiciel libre. Surtout en les insultant d’intégristes, ce qui remplace allègrement le point Godwin. Donc ça ne fait pas avancer le débat.

Est-ce qu’on insulte les végétariens d’êre intégristes parce qu’ils suivent un régime végétarien ? Certains suivent la voie du logiciel libre. Point. Quoi de critiquable là-dedans ?

Si vous désirez utiliser Libreoffice dans Windows ou JavaScript dans votre navigation sous GNU/Linux, il faut accepter d’entendre dire que vous n’utilisez pas une technologie 100% libre. C’est la vérité dans les deux cas ci-dessus. Est-ce que c’est bien ou mal, ce n’est pas mon propos du tout en fait. J’insiste, je ne juge pas les usages. Je vais par contre juger les réactions à ces comportements. Les mots sont importants.

Est-ce que Carré blanc sur fond blanc de Malevitch serait le même avec une tâche de noire déposée en son centre ? Non, bien sur que non.

Mon propos est de dire que vous ne pouvez pas vous revendiquer libriste si vous ne l’êtes pas vraiment, tout comme vous ne pouvez pas insulter ceux, qui eux, le sont vraiment ou veulent l’être. Après tout, chacun son chemin. On peut être sympathisant libriste, c’est déjà pas mal.

A titre personnel, je ne suis pas un libriste : j’utilise du libre à 60-70%. J’admire et approuve ceux qui y arrivent. Je ne les mets pas dans la case bobo ou intégriste mais dans la case activiste. Activiste car le logiciel libre est une philosophie et un combat politique.

dans la situation actuelle, point de liberté

Nous sommes aujourd’hui dans une situation technologique et numérique anormale : notre liberté est réduite et contrainte par autrui. En l’occurence, des sociétés commerciales imposent ou essaient toujours plus d’imposer leurs formats et leurs outils pour nous contrôler et contrôler encore plus nos outils, notre navigation internet, traquer nos données privées, renifler nos emails, voler les contacts de  notre agenda… etc.

La position à retrouver est celle de la liberté. Liberté de protéger sa vie privée, de contrôler ses outils et surfer sur internet sans vendre son âme.

Si vous reprochez à autrui de vouloir retrouver sa liberté, vous êtes dans une démarche étrange moralement, de mon point de vue, et  insulter cette personne dans sa recherche de liberté est une erreur, une inversion des valeurs.

Stallman a adopté un comportement vertueux vis-à-vis des technologies : il veut les comprendre, les modifier et les utiliser à sa guise. L’insulter d’intégriste est d’une bêtise sans nom. Il ne force personne, contrairement à ceux qui nous dominent, les GAFAM, ces grandes multinationales commerciales, prêtes à tout pour s’enrichir. Il encourage une pratique. A vous de vous renseigner, d’adhérer ou pas à sa pratique.

Pouvons-nous dire que Gandi ou Martin Luther King sont des intégristes parce qu’ils n’ont pas suivi l’histoire imposée par les dominants de leur époque, parce qu’ils ont résisté à une oppression ?

pragmatisme, facilité des faibles ?

On parle d’améliorer « l’experience utilisateur » par pragmatisme : parlons plutôt de facilité, dans l’acception la plus faible, sous entendu parce que je ne veux pas me prendre la tête, parce que je cède un bout de ma liberté par confort. Par facilité, nous escamotons nos vies privees, nos données et notre intimité. Stallman est radical dans son approche, pas intégriste. Là encore, les mots ont leur importance. Il est radical dans son comportement. Il serait intégriste s’il jugeait les autres et forçait toute le monde à faire comme lui. Ce qui n’est aucunement le cas.

De mon côté, je plaide également coupable. Je ne suis pas meilleur que vous dans mon comportement numérique par moment…

Or aujourd’hui, les entreprises commerciales se sont appropriées le libre et en font un argument à la mode. Oui, internet tourne grace à des serveurs basés sur du libre mais le libre grand public est quasi inexistant. Oui, Libreoffice est utilisé par certaines administrations ou villes en Europe mais c’est plus souvent par gain de coût que par idéologie.

Les commentaires de Magic Banana (1, 2, 3, 4, 5 etc…) et de Nicolas Epsilon (1), font du bien et prolongent ma réflexion sur le libre. Quel calme et placidité dans leurs réponses, en totale opposition avec d’autres  »défenseurs » du libre comme on peut les lires dans les 2 premiers liens que je cite.

ne pas confondre fait et jugement

Si dire qu’un logiciel est fermé, non consultable et non modifiable est un jugement de valeur alors il y a un problème de français, de compréhension de la langue. Dire qu’un logiciel est privateur (fermé, non consultable, non modifiable) est un fait vérifiable, une réalité.

Lire que nos postures sont idiotes (allez, je me hisse au niveau de Magic Banana et Nicolas, même si je ne pense pas être à leur niveau), que ce sont des batailles de clochers et que ces discussions ne valent pas la peine, alors oui, je me dis qu’avec de tels défenseurs le logiciel libre ne dispose pas d’un extraordinaire avenir.

Pour terminer, si le mot privateur ne veut rien dire pour les gens, c’est bien là l’essence même du problème. Et c’est certainement par là qu’il faut commencer.

– Damien

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