Ethique du logiciel libre et intérets privés

good-evilLe logiciel libre de par sa licence est un bien commun. Comment combiner un intérêt général avec l’intérêt particulier? Je défends régulièrement l’idée que les logiciels libres ne devraient pas être portés par des entreprises. Voici une présentation dont l’éditeur du logiciel XWiki est à l’origine et qui permet d’alimenter le débat.

Editeur de logiciel libre, un paradoxe

Les logiciels libres sont souvent considérés comme des entités à part entière lorsque l’on considère  les acteurs de l’économie du logiciel libre. Sa licence le rend en quelque sorte autonome et indépendant de sa communauté de développeurs. Dans les faits, il n’en est rien. Le logiciel dépend fortement des acteurs qui le portent.

Attardons-nous sur l’un de ces acteurs : les entreprises. Certaines ont choisi de publier un logiciel sous une licence libre. Voici quelques avantages et inconvénients tirés d’une présentation de Jonathan Le Lous :

  • Des retours utilisateurs plus nombreux grâce à une diffusion plus large;
  • Des documentations maintenues par les utilisateurs;
  • Des utilisateurs contents qui deviennent des commerciaux malgré eux;
  • Des retombées en matière de contribution au code du logiciel;

Évidemment, c’est aussi un moyen pour “casser” un marché sur lequel des acteurs sont en situation de monopole depuis déjà trop longtemps. Il va s’en dire que les inconvénients sont également présents :

  • La concurrence d’autres entreprises qui proposent les mêmes prestations de service;
  • Les sollicitations pour de l’aide “gratuite” de la part d’utilisateurs de logiciel libre qui ne veulent pas payer;
  • Et enfin le drame du “Fork” où lorsque la communauté des utilisateurs décide de partir de son côté.

Intérêt privés vs intérêt général

La présentation dont il est question est réalisée par Ludovic Dubost dans le rôle du méchant entrepreneur et Vincent Massol dans le rôle du chevalier Blanc. Le modèle de fonctionnement de XWiki et de sa communauté est décrit et semble présenter une caractéristique intéressante : les contributeurs extérieurs au projet sont issus d’autres sociétés et sont donc eux aussi rémunérés.

En soi, cela n’a rien d’extraordinaire, beaucoup de projets libres ou open source à destination des entreprises sont aujourd’hui portés exclusivement par des entreprises. On appelle cela la mutualisation de l’offre par les acteurs d’un marché particulier.

C’est la fin de présentation qui m’a intéressé avec les perspectives futures. La question se pose de supprimer définitivement le lien entre le logiciel et l’entreprise. L’hypothèse de créer une fondation ou association à laquelle la marque serait également cédée est abordée, ainsi que celle de renommer soit l’entreprise soit le logiciel pour créer une vraie distinction.

Si cette hypothèse venait à se réaliser, nous aurions alors le cas d’une entreprise ayant contribué à lancer, faire grandir et au final rendre sa liberté à un logiciel. J’avoue que l’histoire me semble jolie tant c’est plutôt le contraire que l’on voit se dérouler avec la mise sous tutelle d’une entreprise d’un logiciel à l’origine communautaire.

Il est vrai que les éditeurs de logiciel libre jouent un rôle important aujourd’hui. Ce sont bien souvent eux qui comblent les manques des logiciels communautaires pour répondre pleinement aux attentes des utilisateurs. Mais hélas, poussés par les contraintes de leur position, ils sont la plupart du temps amenés à mettre en place des stratégies contraires aux intérêts des utilisateurs.

Réjouissons-nous donc d’en voir un prendre le chemin inverse. Une démarche qui n’est pas fondamentalement révolutionnaire mais déjà un peu plus empreinte de l’éthique du logiciel libre.

Crédit image Certains droits réservés par erix!


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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 09/02/2013. | Lien direct vers cet article

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