Il n'y a pas de site web libre

Il y a une erreur qui est souvent commise, c'est celle de penser qu'il existe des sites web "Libres" au même titre que vos logiciels sur votre machines sont libres. On pourrais citer comme exemple Identi.ca, le Twitter libre ou libre.fm, le last.fm libre. Ces sites web et les autres qui ont l'étiquette "libre" ne sont en réalité pas plus libre que leurs équivalents dis "fermés". Certes le code qui permet a ces sites de fonctionner est disponible sous une licence Open Source : Status.net pour Identi.ca, DotClear ou Wordpress pour mes blogs mais cela ne rends pas un site plus ouvert.
Tout comme dans un logiciel fermé, l'utilisateur n'a aucun contrôle sur le code exécuté. Rien ne garanti que le programme qui tourne sur le serveur web soit le même que celui que l'on télécharge sur le dépôt de sources. Et même si le code source est identique, l'hôte possède vos données et a plusieurs moyen pour en faire une utilisation détournée (analyse de fichiers de logs, ou de ses propres bases de données, capture de paquets réseaux).
Pourquoi s'en révolter ? Après tout chaque webmaster est libre de faire ce qui lui plait de ses serveurs, il est votre hôte et vous n'êtes qu'un invité et vous êtes responsable des données que vous lui transmettez. Contrairement a un logiciel propriétaire, un site web a un accès limité a vos données, chaque donnée importante qui sortira de chez vous par le réseau est un choix délibéré de votre part.
On peut aussi, à la manière de Richard Stallman, limiter fortement son utilisation du web et ne visiter ses propres sites web ou ceux de ses amis proches.

I have several free web browsers on my laptop, but I generally use my own machine only to talk with a few sites operated for or by the GNU Project, FSF or me.

"J'ai plusieurs navigateurs libres sur mon portable, mais j'utilise généralement ma propre machine pour discuter avec quelques sites construits pour ou par le projet GNU, la FSF ou moi même."

Nombreux sont ceux qui choisiront de ne pas être aussi extrême que Stallman. Il est cependant dommage que des services web soient favorisés par rapport a d'autres a cause d'une prétendue liberté du logiciel. Le seul site web ouvert c'est celui auquel on peut accéder par SSH ou FTP, autrement dit le votre.
Une autre façon de voir les choses c'est ne plus considérer le code source qui fait fonctionner le serveur mais uniquement les données. Nous n'avons pas accès au code source exécuté par la machine distante, l'ouverture d'un site sera donc définie par l'ouverture de ses données. La majorité des briques qui ont permis la construction d'internet sont Open Source : Linux, BSD, Apache, MySql, Php, Python, Perl, jQuery, Django, Symfony, DotClear, MediaWiki, etc, etc, etc.... Tout composant sensé être utilisé sur le web est voué a l'échec s'il n'est pas Open Source (a l'exception de Flash, qui est tenace ...). Ces composants a eux seuls ne sont pas intéréssants et peuvent être substitués a tout moment (Linux contre BSD, MySQL contre PostgreSQL, PHP contre Python, et ainsi de suite). La seule chose importante dans un site web ce sont les données. Les vôtres en priorité, mais aussi celles de tout le site.
La question qui se pose alors n'est pas de savoir si le code exécuté sur le serveur est totalement libre, quelle importance au final ? Personne ne peux contrôler ce qui est réellement exécuté sur le serveur et les outils modernes (frameworks, libraires, ...) poussent tous dans le même sens : écrire le moins de code possible pour déployer une application web efficace. L'important dans le web, ce n'est pas le code, ce sont les données comme le fait comprendre Tim Berners Lee sur Ted Talks.
Une fois que l'ont se focalise sur les données, les acteurs du web qui servent souvent de cibles pour les défenseurs du libre, comme Google, sont bien moins néfastes qu'on veux bien le faire croire. Pour rester sur l'exemple de Google, les protocoles utilisés pour les mails sont le POP, l'IMAP et le SMTP, pour la messagerie instantanée le protocole XMPP, pour Google Calendar il est possible d'exporter au format ical et ainsi de suite. D'autres débats peuvent être soulevés comme l'utilisation faite par Google de ces données mais c'est un autre sujet. En aucun cas vos données ne sont prisonnières d'un service web qui utilise des standards reconnus. Bien sur, l'utilisateur est responsable des sauvegardes de ses données sur ses propres machines.

D'une manière générale, les choses vont dans le bon sens, nombreux sont les sites a proposer une API pour leur site permettant à n'importe quel utilisateur de récupérer des données brutes. Cependant nous restons dans l'analogie du Minitel que Benjamin Bayart affectionne particulièrement. Pour se détacher de ce modèle il faut de nouveaux outils et de nouveaux protocoles (ou adapter les outils et protocoles existants pour les rendre plus simple d'accès). L'asymétrie dans les débits des offres ADSL actuelles est un frein au développement du Web 3.0. Cependant, les débits actuels, même en upload sont bien suffisant pour diffuser un contenu à une centaine de personnes. Au lieu de stocker l'information sur un seul et même endroit, elle est copiée de machine en machine, l'information est diffusée un peu à la manière des re-tweets sur Twitter. C'est le principe de Bittorrent, généralisé au Web: je diffuse tout ce que je télécharge. Un tel mode de fonctionnement permettrait un web décentralisé, non contrôlable et serait un grand pas pour sa neutralité. Bien sur cela soulève quelques questions : qu'en est il de la fiabilité des informations relayées ? Et de leur pérennité ? Pour la fiabilité il existe déjà des système permettant de signer des documents comme GnuPG et qui rends toute modification au document d'origine visible et / ou suspecte. Pour la pérennité, je fais bien plus confiance dans un schéma ou l'information est répliquée de machine en machine que dans un schéma où une information est stockée sur un seul et même serveur. Combien de fois ai je cliqué sur un lien vers une vidéo Youtube pour me rendre compte que la vidéo en question avait été supprimée (censurée) ? Le tout est de trouver un système pour qu'une URL ne corresponde plus a un fichier sur un serveur donné, mais à un document précis, quelle que soit sa localisation.
Dans les petites icônes que l'ont voit en bas de page des blogs : partager sur Delicious, Digg, Facebook et autre réseau social il manque une icône essentielle : partager sur mon propre serveur web.
Le cloud computing pourra être quelque chose de révolutionnaire et rester dans l'esprit du logiciel libre a partir du moment où les mailles de son réseau seront assez fine pour relier des individus entre eux sans les faire passer par de gros services web qui sont tous sans exceptions fermés, quelle que soit la licence des programme exécuté sur le serveur.

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Publié par Mathieu Comandon : 31