Dérives de la simplification coûte que coûte

Pour convaincre le grand public de faire la démarche de reprendre le pouvoir sur la conception et fabrication de ses objets ou de ses programmes, il faut des solutions faciles à prendre en main. C'est ainsi que des solutions vraiment intéressantes fleurissent. J'ai en tête l'exemple de tinkercad, de la plateforme Makey Makey ou de Scratch que j'ai découvert récemment. La prise en main de chacun de ces outils est vraiment très très rapide et permet à des débutants motivés de passer à l'acte. Libre à chacun d'approfondir ensuite si l'envie est là (les ressources sont abondantes).

Derrière l'idée de reprise du pouvoir, il y a celle que le pouvoir justement est détenu par ceux qui savent (monde académique, monde industriel, ...) et que quelque part, cela n'est pas très juste. Sans faire de généralités, il y a là matière à frictions entre les premiers qui veulent faire comme ils l'entendent et les seconds ceux qui regardent ça de haut. En tout cas, c'est dans ce contexte que je me place. Hier travaillant en milieu industriel et bidouilleur dans l'âme, je travaille aujourd'hui sur un poste d'informaticien dans une structure accueillant du public. Dans ce cadre, j'interviens ponctuellement avec des personnes qui sont inscrites dans la démarche du faire eux même (DIY). Je mesure un peu mieux à présent le faussé qui peut séparer ces deux mondes. Cette position est à la fois intéressante et déroutante (parfois).

Dans le cadre d'une rencontre récente où il était question entre autre du public en fablab, l'animateur de l'un de ces lieux (au passage, c'est une personne que j'apprécie et qui a vraiment créé quelque chose d'intéressant localement) est venue à parler de la fenêtre noire incompréhensible avec du code dedans. S'en est suivi un commentaire pas forcement très sympa vis à vis de ceux qui comprennent et utilisent ces interfaces en ligne de commande. Il m'a semblé comprendre que le commentaire s'adressait notamment au "Linuxiens". J'ai vraiment ressenti une grosse aversion de sa part vis à vis de ces personnes.

Cela m'a laissé assez perplexe, surtout venant d'un animateur de fablab (J'en rediscuterai directement avec l'intéressé plus tard). Sur le moment, je n'ai pas forcement trouvé les mots pour expliquer ce que j'en pensais (bref, j'ai rien dit pour éviter de sortir une connerie). Évidemment, une fenêtre noire où l'on rentre un texte ressemblant à un incantation et qui retourne à son tour une nouvelle formule magique, il ne faut pas se voiler la face, ça peut laisser songeur voir faire carrément peur (en ce sens, je comprend un peu l'avis exprimé). Mais d'un autre côté, c'était bien le dernier endroit où je pensais pouvoir rencontrer une telle position. J'utilise mon terminal quotidiennement et clairement là je me suis juste dit qu'un fablab pragmatique à l'extrême, ça ne pouvait pas être pour moi alors même que s'il y a bien un lieu pour démystifier cet outil, c'est bien celui là ! Plus généralement, le rôle d'un petit fablab n'est-il pas par ailleurs de mettre en avant les outils libres car ils visent justement à émanciper les utilisateurs des solutions qui les enferment ? Je veux bien qu'a un moment donné, la question des compétences se pose car on ne peut pas tout savoir mais de là à dénigrer ceux qui justement utilisent des outils libres, je pense que c'est une erreur. Cette démarche devrait au contraire être encouragée (et elle l'est d'ailleurs dans plein d'autres endroits de ce type).

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Publié par Frédéric Micout : 30