Le détail qui tue

Lorsque l’on utilise un outil, le moindre dysfonctionnement peut le rendre beaucoup moins performant, voire parfois totalement hors d’usage, mais est-ce sur ce défaut que doit se baser notre appréciation de cet outil ?

Il n’est pas rare de voir des utilisateurs plus ou moins chevronnés de distributions GNU/Linux (l’exemple est aussi valable pour un environnement de bureau et tout autre environnement de travail informatique) considérer telle ou telle distribution comme mauvaise et d’en changer suite à une ou plusieurs expériences malheureuses. Ils ne se gêneront pas ensuite de la qualifier de tous les noms et de rappeler combien ils la détestent et ne la recommandent pas. Certains arguments sont parfois assez valables comme des problèmes matériels récurrents ou des mises à jours mal gérées ; d’autres le sont beaucoup moins, comme l’esthétique, la présence ou l’absence de tel ou tel logiciel qu’on déteste ou qu’on aime, ces aspects étant largement adaptables, moyennant quelques (dés)installations selon ses goûts.

Bien sûr, je suis assez caricatural (quoi que ?) et c’est souvent un peu plus subtil : des crashs à répétition d’un logiciel, des petits détails agaçants ou au contraire l’attrait pour une nouvelle fonctionnalité, une critique bonne ou mauvaise vont faire que l’on peut avoir envie d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Bon inversement, il y a des fanatiques qui ne jurent que par leur outil préféré et n’en démordent pas même lorsque le monde s’écroule autour d’eux ; il paraît même qu’il y en encore qui font tourner leur téléphone sous Firefox OS…

Tiens, ça me donne l’occasion d’évoquer un exemple. Firefox OS n’a pas eu le temps d’atteindre sa maturité (il ne manquait pourtant pas plus de six mois pour y arriver à mon avis) donc on était soit sur une version dont il manquait certaines fonctionnalités indispensables, soit sur des versions en développement avec des bugs potentiels. Il fallait donc savoir jongler entre stabilité et fonctionnalités sachant que lorsque l’on est testeur, joueur et motivé, le bug ne fait pas peur et on apprend à le contourner (ou au moins l’éviter et évitant l’action qui le provoque) alors que l’utilisateur de base doit avoir quelque chose de stable, éventuellement avec des fonctionnalités en moins mais rien ne doit le déstabiliser sinon le bug lui fera dire que le système est pourri. Bref, j’avais trouvé une version suffisamment stable contenant les fonctionnalités dont j’avais besoin (alors que d’autres pour qui le Bluetooth était indispensable devaient se contenter de la version précédente, les joies d’un système en développement, quoi). Et puis j’ai voulu essayer la toute dernière build communautaire, sauf que dans cette version, les développeurs avaient poussé une modification dans la correction automatique du clavier. Comme dans la plupart des claviers virtuels, lorsqu’on tape un mot, il y a des suggestions qui apparaissent, c’est bien pratique pour taper juste le début du mot ou ne pas chercher les lettres avec accents, les propositions permettent de gagner du temps. Sauf que la modification consistait à ajouter un espace après le mot. Ça peut sembler utile pour gagner encore un peu de temps sauf que parfois on n’a pas besoin d’espace pour mettre un point ou une virgule après ou encore parce qu’on veut compléter le mot (on sélectionne le verbe à l’infinitif dès qu’il est proposé et on ajoute la terminaison). Et malheur, le fait de faire un retour arrière pour enlever l’espace supprimait la proposition choisie pour revenir au mot tel qu’il était tapé initialement. Bref, une fonctionnalité totalement insupportable qui m’a fait revenir en arrière dans les heures qui ont suivi à chaque fois que je suis tombé dessus.

Je suppose que beaucoup de monde a déjà fait certaines expériences comme avoir une voiture dont il y a quelques dysfonctionnements : pour prendre quelques exemples perso, c’est un écran d’affichage dont on ne distingue plus bien l’heure, une poignée de portière qui pète, un siège rabattable qui ne se rabat plus, bref, rien qui empêche la voiture de rouler mais qui nous font dire "saleté de voiture pourrie". D’autres inconvénients sont un peu plus gênants comme un démarrage de plus en plus capricieux qui, après avoir vérifié ou changé les bougies de préchauffage et la batterie reste très difficile à la moindre baisse de température et commence à nous faire penser qu’il va peut-être bientôt falloir changer de voiture ; au final, c’était le démarreur et une fois remplacé et la poignée de portière réparée, elle roule comme un charme.

Tous ces exemples sont à rapporter aux autres outils que l’on utilise et notamment nos ordinateurs et systèmes d’exploitation. Lorsqu’une chose est vraiment bloquante, un ordi qui met beaucoup trop de temps à démarrer (j’avais commencé ce billet avant le précédent mais il en est un excellent exemple) ou un logiciel que l’on utilise quotidiennement qui déconne, on ne voit que ça et on a tendance à tout vouloir accuser : la vétusté de la machine et surtout le système d’exploitation dont les enfoirés qui le développent et le maintiennent ont oublié de tester ou prennent énormément de temps à régler le cas particulier de notre problème (le fait qu’on ne leur a fait aucun don pour ça n’entre bien sûr pas en ligne de compte et si on l’avait fait ils seraient d’autant plus fautifs).

On ne regarde que les défauts et jamais tout le reste qui fonctionne pour qualifier une distribution ; c’est sûr que celles que l’on n’a jamais réussi à installer à cause d’une incompatibilité induit rapidement un jugement négatif, les expériences malheureuses à répétition aussi. Pourtant, les problèmes proviennent aussi du matériel, de mauvaises manips, d’une aversion personnelle à certains comportements, du bug d’un logiciel quelle que soit la plate-forme … mais pas uniquement de la distribution en elle-même.

À mon avis, on ne peut juger de la qualité d’une distribution que par rapport à ses propres critères/besoins : accessibilité, stabilité, compatibilité matérielle, innovation, disponibilité de logiciels, environnement de bureau, gestionnaire de paquets, niveau requis, etc. Mais ces critères seront propres à chacun et feront qu’un choix sera bon pour l’un mais pas applicable à un autre. Ils auront aussi les défauts de leurs qualités, on ne peut pas vouloir avoir toutes les dernières versions et une stabilité à toute épreuve et inversement râler de l’obsolescence de certains logiciels alors que l’on ne veut pas faire de mises à jour incessantes.

Pourtant, il y a toujours moyens de contourner les détails agaçants (en installant une version antérieure comme sur mon téléphone), en réglant les problèmes (le net regorge d’astuces et de forums), en installant des dépôts supplémentaires (pour avoir un logiciel non disponible ou une version plus récente) ou encore en trouvant un autre logiciel qui contient la fonctionnalité recherchée ou ne contient pas le défaut que l’on veut éviter. Bref, il y a toujours moyen de s’approcher un peu plus de son idéal à partir du moment où l’on considère que le problème ce n’est pas le système mais nous et notre volonté d’apprendre et de trouver ce qui nous convient le mieux.

Et en le partageant avec les autres, c’est encore mieux, car peut-être que l’on n’est pas seul à avoir le même problème ou souhait.

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